Le lundi 16 mai 2022, en marge de la Conférence des Régions ultrapériphériques, plusieurs présidents de régions, départements, et collectivités d’outre-mer ont lancé l’appel de Fort-de-France. Cet appel solennel à l’Etat a pour but premier de changer profondément la politique des Outre-mer.
Cet appel, texte de deux pages, a été signé et soutenu par Serge Letchimy (président de la Collectivité Territoriale de Martinique), Ary Chalus (président de région de Guadeloupe), Guy Losbar (président de département de Guadeloupe), Huguette Bello (présidente de région de Réunion), Louis Mussington (président de collectivité de Saint-Martin), Ben Issa Ousséni (président de département de Mayotte), et Gabriel Serville (président de collectivité territoriale de Guyane).
Les Outre-mer, les oubliés de la nation ?
Depuis plusieurs années, les territoires ultramarins vivent de nombreuses problématiques et se sentent oubliés par la classe politique, qu’elle soit locale ou nationale.
Pour beaucoup, les solutions et décisions prises au niveau national (gouvernement) face à ces problèmes sont soit insuffisantes, inexistantes ou inadaptées, en raison de l’éloignement géographique des Outre-mer vis-à-vis de la France hexagonale et des spécificités des Outre- mer.
L’une des grandes problématiques qui gangrènent nos territoires est celle de l’eau.
Il est devenu monnaie courante de ne pas avoir de l’eau dans les robinets.
Voir l’article sur les problèmes d’eau en Guadeloupe : https://resca.fr/article/2022/07/04/nous-avons-un-probleme-deau-en-guadeloupe/
Lorsque l’eau coule, celle-ci est à plusieurs reprises non potable ou contaminée.
Ceci amenant les foyers à acheter plus d’eau en bouteilles, et cela non juste pour boire, mais pour s’y laver avec.
La démission de l’éphémère ancienne ministre des Outre-mer, Yaël Braun-Pivet, survenue le 26 juin dernier, a réaccentué le sentiment d’abandon et de non-respect que les ultramarins ressentent.
La nomination de Gerald Darmanin en tant que ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, qui a suivi quelques jours plus tard, a été la goutte d’eau de trop.
Nombreux estiment que la mise sous tutelle du ministère des Outre-mer sous celui de l’intérieur, plutôt qu’un vrai ministère de plein exercice, reflète le manque d’intérêt porté aux DROM (départements et régions d’outre-mer) et COM (collectivités d’outre-mer).
C’est « une forme de mépris, avec une approche sécuritaire de nos problèmes, loin des enjeux sociaux, économiques et institutionnels qui sont minorés », déclare Karine Lebon, députée de la Réunion.
Quel est le but de cet appel ?
Pour les signataires de cet appel, le temps est venu de sonner la sonnette d’alarme, et « d’ouvrir ensemble une nouvelle étape de l’histoire des pays d’Outre-mer au sein de la République ».
A travers l’appel de Fort-de-France, ils ont pour objectif de travailler avec le président de la République, le Gouvernement, et d’autres acteurs du monde politique pour :
– Refonder la relation entre nos territoires et la République par la définition d’un nouveau cadre permettant la mise en œuvre de politiques publiques conformes aux réalités de chacune de nos régions.
– Conjuguer la pleine égalité des droits avec la reconnaissance de nos spécificités, notamment par une réelle domiciliation des leviers de décision au plus près de nos territoires.
– Instaurer une nouvelle politique économique fondée sur nos atouts notamment géostratégiques et écologiques.
Gabriel Serville, président de la Collectivité Territoriale de Guyane, veut que le président de la République et que le Gouvernement aient une relation totalement nouvelle avec les Outre-mer.
Pour le président de région de la Guadeloupe, Ary Chalus, le modèle actuel est obsolète. Pour que le peuple refasse confiance aux politiciens, et que ceux-ci retournent voter, il faut faire un travail sur le terrain dans les territoires respectifs.
Quelques mois plus tard, qu’en est-il de cet appel?
Mercredi 7 septembre 2022, les présidents ultramarins signataires de cet appel, ont été reçus en premier temps par Gérald Darmanin, ministre de l’Intérieur et des Outre-mer, et Jean-Francois Carenco, ministre délégué chargé des Outre-mer à l’hôtel de Beauveau.
Quelques heures plus tard, les signataires de cet appel et quelques parlementaires ont été reçus par Emmanuel Macron autour d’un dîner au Palais de l’Elysée, où ils ont pu échanger sur la vie chère, l’emploi, la sécurité…
Accompagné de la première ministre, Emmanuel Macron s’est dit prêt à traiter les questions sociales, économiques et institutionnelles à travers une feuille de route n’excluant aucun sujet. Le président a voulu souligner qu’il n’a aucun tabou sur les changements institutionnels.
Quant à Mme Elisabeth Born, elle a annoncé une réunion interministérielle spécialement autour des Outre-mer, qui aura lieu d’ici six mois.
Les signataires applaudissent ce premier rendez-vous, et disent « engager un calendrier de rencontres politiques et techniques pour doter nos territoires des leviers du changement profond » qu’ils ont souhaités « et sur lequel le Président de la République s’est aujourd’hui engagé ».