La Guadeloupe et la Martinique, Départements et Régions d’Outre-Mer (DROM) de France, ont bien évidemment pour drapeau officiel le pavillon tricolore bleu blanc rouge adopté par la nation et d’ailleurs dressé devant tous les lieux publics de l’ile et de l’archipel. Et comme bien d’autres régions françaises, ces petits bouts de terre au-delà des mers arborent aussi leurs propres pavillons locaux. L’objectif n’étant pas seulement de se différencier de la France hexagonale mais bel et bien d’exprimer leur propre singularité.
En raison du grand nombre de drapeaux existants dans ces deux régions, nous allons parler des plus populaires.
En Martinique
Il n’y a rien d’officiel sur l’ile aux fleurs. Et pour autant, ce n’est pas un, ni deux, mais bien trois drapeaux symboliques dans la culture et le patrimoine de la Martinique que l’on retrouve, avec leur propre signification, leur histoire et surtout leur lot de polémiques !
« Cachez ce drapeau maudit aux quatre serpents que je ne saurais voir ! ». Ce drapeau maudit ?
Il s’agit du drapeau aux quatre serpents, pavillon de la marine marchande du temps de la royauté et adopté en 1766. Il est divisé en quatre par une croix blanche sur fond bleu et chaque rectangle contient un serpent blanc. Ces quatre serpents représentent des trigonocéphales appelés aussi fers de lance, des reptiles endémiques et venimeux qui caractérisent de manière unique la Martinique.
L’utilisation de ce drapeau fait l’objet de polémiques. En effet, Il participait à l’origine, à l’organisation du transport maritime selon les usages de l’époque et était utilisé sur tous les vaisseaux bâtiments et bateaux de la Martinique. Il s’associait de fait, au commerce triangulaire, à la traite négrière et à l’esclavage. Objet de controverse, Il est visé depuis des décennies étant considéré comme un emblème maudit hérité du passé colonial et comme le symbole de l’esclavage.
Il a été largement banni de notre espace visuel depuis 2018. Après avoir été interpellé sur le sujet lors de son déplacement en Martinique en septembre de cette même année, le président de la République Emmanuel Macron demande aux gendarmes de Martinique de retirer cet emblème aux quatre serpents par « souci d’apaisement ». Et c’est progressivement qu’il a commencé à disparaître des différents supports où il pouvait figurer (carte postale, objet souvenir et autres…). Mais il reste toujours utilisé pour représenter la Martinique à l’international notamment dans la liste des émojis.
Rouge Vert Noir : Une origine confuse, incertaine et sujette à polémique
Ce drapeau revendiqué par différents groupes, partis indépendantistes et nationalistes martiniquais, à l’exception du Mouvement Indépendantiste Martiniquais (MIM) d’Alfred Marie-Jeanne, représente un triangle rouge et deux quadrilatères vert et noir.
L’origine des couleurs de ce drapeau est assez confuse et remonterait à 1665 où elles auraient été brandies lors de grandes révoltes d’esclaves soutenues par leur chef Francis Fabulé un « Neg mawon » (ayant combattu auprès des amérindiens), puis à nouveau en 1801 par Jean Kina lors d’une révolte d’esclave au Carbet et enfin, en 1870 par les insurgés arborant des foulards ou bandeaux rouge vert noir lors de la grande insurrection du Sud.
Ces couleurs ont été reprises dans les années 60 lors de la révolte en contestation à la départementalisation et sous la forme d’un étendard de trois bandes verticales par l’organisation de la jeunesse anticolonialiste de Martinique (OJAM). A la fin des années 60 ou au début des années 70 est mis au point le dessin actuel avec le triangle rouge et les deux quadrilatères vert et noir. Sa création dans cette version est revendiquée par différents groupes et personnalités que nous ne détaillerons pas ici et entre lesquels il existe des divergences.
L’utilisation de ce drapeau se fait habituellement de nos jours lors de mouvement sociaux et indépendantistes, le noir représentant aujourd’hui le combat pour la cause noire, le vert la classe paysanne et la terre féconde et le rouge évoquant plutôt le socialisme dès les années 60 -70 que le sacrifice et le sang des amérindiens et Neg mawon au combat au 19ème siècle. Dès 1995, il flottera pendant presque dix ans sur le fronton de la mairie et au centre des deux principaux carrefours à sens giratoire de la commune de Sainte-Anne, à l’initiative du maire de l’époque Garcin Malsa. Ce drapeau fera alors couler beaucoup d’encre dans la presse locale et suscitera de nombreuses querelles juridiques en opposant l’état français au maire de la commune dans sa quête à rassembler les martiniquais sous une autre bannière que celle de cet état français.
Tant d’ambition pour au final une suppression sans appel, Ipséité : un projet mort-né ?
En octobre 2018, alors que le Président Emmanuel Macron ordonnait le retrait de l’emblème aux quatre serpents des uniformes de la gendarmerie martiniquaise, Alfred Marie-Jeanne, président du conseil exécutif de la Collectivité Territoriale de la Martinique (CTM), lançait au même moment, un concours visant à créer un nouveau drapeau et un nouvel hymne martiniquais pour représenter l’île dans les manifestations internationales, aussi bien culturelles que sportives. Un projet ambitieux pour lequel deux commissions de sélection ont présenté le 8 Avril 2019 leur sélection de trois drapeaux ainsi que trois hymnes. Les projets de drapeaux ont été baptisés “Acaéra”, “Ipséité” et “Le Flamboyant” et les résultats du vote des martiniquais ont été dévoilés le 10 mai 2019, au cours d’une cérémonie officielle.
« Ipséité », déclaré vainqueur de ce concours de la CTM, est un drapeau aux symboliques fortes. Il porte en effet en son centre, un strombe géant communément appelé Lambi (coquillage emblématique des Antilles dont la conque est utilisée comme instrument traditionnel de musique), autour duquel on retrouve 34 étoiles amérindiennes symbolisant les 34 communes de la Martinique et huit segments évoquant huit des langues différentes parlées dans l’histoire de l’île : français, créole, anglais, espagnol, portugais, italien, chinois et arabe. La couleur bleu fait référence à l’océan Atlantique et à la mer des Caraïbes qui bordent l’île tandis que le vert se réfère à sa nature luxuriante.
Ce drapeau qui fut porté par l’équipe de football à la Gold Cup 2019 ne faisait pas pour autant l’unanimité. Il était contesté de façon virulente par les partisans du drapeau rouge vert noir et des particuliers ainsi qu’une association ont saisi le tribunal administratif contre cette décision de doter la Martinique d’un drapeau et d’un hymne. Les juges, en examinant la légalité de cette décision, ont rappelé qu’elle ne pouvait être prise par le président du conseil exécutif de la CTM sans une délibération de l’assemblée. A cet effet, le 15 novembre dernier, le tribunal administratif annule purement et simplement cette décision.
En Guadeloupe
De sa colonisation marquée par l’esclavage à nos jours, l’histoire de la Guadeloupe est riche et diversifiée. Un désir d’indépendance existe comme en témoignent les différents drapeaux qui sont sources de nombreuses tensions et polémiques au sein du peuple guadeloupéen. On en retrouve deux, non officiels et témoignant d’une histoire marquée de souffrance.
Un drapeau « colonialiste » ?
Le 27 mai 1848, l’abolition de l’esclavage est proclamée en Guadeloupe, et dans les suites est apparu le premier drapeau non officiel de l’île, basé sur les armoiries de la ville de Pointe-à-Pitre.
Ce drapeau composé de trois fleurs de lys est considéré comme un symbole associé à l’esclavage. Pourquoi ? Et bien, car les maîtres marquaient « d’une fleur de lys au fer rouge » les esclaves qui tentaient de fuir.
Au-dessous, on retrouve un soleil qui est lié au climat de l’île. Et derrière celui-ci, un amas de canne à sucre représentant l’exploitation sucrière qui rappelons-le était l’une des principales sources de revenu économique de l’archipel. Quant au fond noir, il symbolise le continent africain et plus précisément l’Afrique noire. La majorité du peuple de la Guadeloupe en est les descendants.
Un drapeau qui dérange ?
Mais depuis de nombreuses années, ce drapeau jugé « colonialiste » ne fait pas l’unanimité, c’est du moins ce qu’a soulevé Madame Astrid Michée. Elle décide en de lancer le 7 août 2020 une pétition en ligne sur la plateforme change.org, contre ce drapeau colonialiste. En effet , les fleurs de lys rappellerait l’ancien régime français ou le code noir était appliqué. Cela irait d’ailleurs à l’encontre de la loi Taubira, loi qui a été votée le 21 mai 2001, qui considère l’esclavage comme un crime contre l’humanité, en référence à l’article qui dit que « le port et l’exhibition d’insignes ou emblèmes rappelant ceux des responsables de crimes contre l’humanité » est interdit.
Un nouveau drapeau … mais indépendantiste ?
En 1977, un drapeau dit indépendantiste voit le jour, cet emblème est proposé par Sony Rupaire célèbre auteur, militant et membre de l’union populaire de la libération Guadeloupe (UPLG). À travers ce drapeau, il voulait rappeler l’origine africaine de la population tout en réaffirmant leur identité culturelle. Ce drapeau dit patriotique est principalement utilisé lors de manifestations organisées par les syndicats tels que L’Union générale des travailleurs de Guadeloupe (UGTG) ou encore le Liyannaj Kont Pwofitasyon (LPK).
Voulant un drapeau « rassembleur », le rouge, le jaune et le vert auraient été choisis en référence aux couleurs panafricaines qui sont présentes sur de nombreux drapeaux de pays d’Afrique comme le Cameroun. « Il fait hommage à l’Éthiopie qui a été la seule nation d’Afrique noire à conserver sa souveraineté pendant le démembrement de l’Afrique au XIXe siècle ». Concernant l’étoile, il n’y a pas de signification particulière, et les similarités avec le drapeau du Surinam seraient liées à un curieux hasard.
Merci pour ce travail d’histoire sur ces drapeaux si symboliques dont je ne connaissais pas l existence…bravo
Très instructif !!!…